Résumé
Le film suit Joseph, un homme qui arrive dans un sanatorium étrange où le temps ne fonctionne plus comme dans le reste du monde. Là-bas, on lui annonce que son père, malade, n’est ni vivant ni vraiment mort : sa survie dépend d’un ajustement du temps. Autrement dit : on entre dans un lieu où les règles temporelles sont malléables, un décor parfait pour faire ressurgir souvenirs d’enfance, fantasmes, obsessions, et même quelques cauchemars subtilement emballés dans du velours.
Qu’est-ce qu’une clepsydre ?
Avant de parler de ce film, il est important de définir le mot « clepsydre ». Une clepsydre est une horloge à eau, l’un des plus anciens instruments de mesure du temps. L’idée est simple : l’eau s’écoule, lentement, inéluctablement — une métaphore parfaite du temps qui passe, fuit et se transforme. Dans le film, ce mot ne désigne pas seulement un objet, mais une manière de vivre le temps autrement : non pas linéaire, mais instable, fuyant, malléable, comme un rêve qu’on tente de retenir dans ses mains.
Le réalisateur : Wojciech Jerzy Has, maître du labyrinthe visuel
Wojciech Has (1925–2000) est l’une des grandes figures du cinéma polonais. Il s’est fait connaître par des films construits comme des voyages mentaux : des couloirs, des pièces entremêlées, des objets qui racontent des histoires, et des personnages prisonniers de réalités multiples. Avant La Clepsydre, il a notamment signé Le Manuscrit trouvé à Saragosse (1965), autre film labyrinthique devenu culte. Has filme comme on feuillette un rêve : chaque plan est une porte, chaque décor un souvenir, chaque mouvement un passage secret.
Une adaptation libre de Bruno Schulz
Le film est adapté des écrits de Bruno Schulz, immense auteur polonais au style dense, poétique et déroutant. Schulz écrivait des récits où le réel glisse sans prévenir vers le fantastique, où la mémoire se mêle au mythe, et où l’enfance devient un territoire mystique.Has ne cherche pas à « raconter » Schulz : il cherche à l’incarner. Il transforme les mots en décors, les métaphores en images, et les sensations en séquences visuelles. Le résultat : un univers flottant, proche du rêve éveillé.
🎞️ Bande-annonce du film
Le film : un voyage où le temps se brise et se réinvente
Le film suit Joseph, un homme qui arrive dans un sanatorium où son père est censé être soigné. Mais ce sanatorium échappe à la logique :
- le temps y ralentit,
- les jours se superposent,
- les souvenirs deviennent des lieux que l’on traverse,
- les morts parlent comme si de rien n’était.
Has utilise le décor comme une horloge détraquée : couloirs poussiéreux, chambres figées, rues désertes, objets qui semblent attendre depuis un siècle… Tout respire la décomposition du temps.
Le récit évolue comme un rêve où les transitions n’existent pas : Joseph glisse d’une scène à l’autre, comme si sa conscience voyageait à travers ses propres souvenirs d’enfance et la fin annoncée de son père.
Ce n’est pas un film qui se “comprend”, mais un film qui se ressent, qui se contemple, qui nous fait perdre pied volontairement.
⏳ Le thème central : le temps comme matière vivante
La clepsydre — l’écoulement de l’eau, la fuite des instants — devient dans le film une métaphore du rapport entre Joseph et son père. Le temps n’est plus un cadre : c’est un personnage à part entière, insaisissable, parfois cruel, parfois doux, mais toujours mystérieux.
Has explore :
- la mémoire qui se déforme,
- l’enfance qui persiste,
- la mort qui rôde,
- et cette question lancinante : peut-on retenir ce qui s’efface ?
Le film oscille entre mélancolie profonde et beauté pure, avec ce sentiment étrange que chaque scène pourrait s’écouler comme de l’eau entre les doigts.
Conclusion
La Clepsydre n’est pas un film narratif classique : c’est une expérience, une traversée d’images et d’émotions. Has signe une œuvre visuelle fascinante, déroutante mais unique, nourrie par l’imaginaire de Bruno Schulz et hantée par la question du temps. Un film pour les spectateurs curieux, prêts à se laisser emporter dans un rêve où le passé et le présent se confondent, et où chaque image semble être le souvenir d’une mémoire en train de disparaître.