Anatomie d’une chute

Anatomie d’une chute

Anatomie d’une chute de Justine Triet, Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner, Antoine Reinartz, Jenny Beth, Samuel Theis.

Durée : 2 h 31 min. Date de sortie : 2023.

Note : ★★★★★ (5/5)
Résumé

Sandra, Samuel couple d’écrivains et leur fils aveugle Daniel vivent à la montagne. Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte puis un an passe et vient le procès de Sandra pour homicide malgré le doute du suicide de son mari... Anatomie d’une chute, le quatrième long métrage de Justine Triet obtient la palme d’or du festival de Cannes 2023.

Critique

Le film est magistralement interprété par le trio d’acteurs Sandra Hüller, Swann Arlaud et Milo Machado Graner (Daniel). Il faut aussi souligner les choix des seconds rôles comme Jenny Beth, Samuel Theis (le mari, Samuel retrouvé mort) et même le chien guide qui incarne Snoop. Le personnage de Sandra joué par Sandra Hüller est une femme forte avec une certaine froideur mais qui restera toujours digne et courageuse avec notamment la présence de son fils au tribunal.

Il est bien montré que lors du procès, tout est fait pour déstabiliser la femme accusée, il faut que chaque mot soit utilisé avec précaution, tous les faits et gestes de sa vie privée sont examinés, déformés, interprétés. On notera aussi la barrière de la langue de la protagoniste originaire d’Allemagne qui a des difficultés à s’exprimer en français (mais on lui demande de faire l’effort de parler en français au procès) et à cela s’ajoute l’émotion. Elle finira par parler en anglais où elle pourra mieux se défendre en trouvant les mots justes. La réalisatrice parvient à nous montrer les rouages du tribunal en questionnant les limites du système judiciaire mais aussi du traitement médiatique de l’affaire ainsi que l’absurdité et les préjugés de certains arguments.

Le rythme du film volontairement lent, pesant, chiadé et décortiqué nous fait mieux ressentir les passages tendus, étouffant presque le spectateur. S’ajoute à ces éléments la musique qui est brillamment utilisée. Dès les premiers instants du film, la version instrumentale de la chanson du rappeur 50 cent qui tourne en boucle devient assourdissante et hante le spectateur lorsque Daniel découvre le corps inanimé de son père dans la neige. De plus, la musique magnifique d’Isaac Albéniz jouée par Daniel au piano qui revient tout au long du film est un exutoire pour l’enfant, une manière d’essayer de faire le deuil, il cherche des réponses dans la partition. Ce qui m’a aussi plu c’est qu’on ne tombe jamais dans le manichéisme, en effet d’une part, Sandra n’est pas réduite qu’au statut de victime de par la construction complexe du personnage et d’autre part Justine Triet ne démolit pas le système judiciaire mais présente le procès comme une épreuve très difficile pour Sandra et son fils mais toutefois nécessaire pour aller de l’avant.

En analysant le titre : Anatomie : « Étude de la structure et de la forme des êtres organisés ainsi que des rapports entre leurs différents organes. » Dictionnaire le Robert. Il s’agit dans le film de disséquer le couple tel un corps qu’on opère, exhiber et mettre à nu les évènements de la vie privée dans un tribunal. La chute possède deux sens ; d’un part au sens physique avec la mort de Samuel et d’autre part la chute symbolise métaphoriquement la descente aux enfers d’un couple.

Conclusion

Anatomie d’une chute est un très grand film de procès porté par l’actrice Sandra Hüller qui nous force à nous questionner sur la notion de vie privée, sur le couple et plus largement sur la condition féminine.

Yazbek Alexandre
🎞️ Bande-annonce du film