Résumé
Je suis allé voir le film Blonde en avant première nationale Netflix au cinéma Écoles à Paris. Le réalisateur Andrew Dominik et son compositeur Warren Ellis sont venus aimablement nous présenter le film. Avant de voir Blonde d’Andrew Dominik, (réalisateur de L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) inspiré du roman éponyme de Joyce Carol Oates paru en 2000, on pourrait penser que le film est un biopic classique sur la vie de Marilyn Monroe, or ce n’est pas du tout le cas. Blonde traite principalement, certes chronologiquement, de l’aspect psychologique de l’actrice. Cet « anti biopic » à la limite de la fiction et du réel détruit un peu plus le mythe Marilyn. En effet, elle subi la violence psychologique et physique du milieu Hollywoodien et des hommes (producteurs, cinéastes, maris et fans) jusqu’à une déshumanisation totale, elle n’est plus qu’un objet sexuel (d’où le titre) et personne ne se soucie de sa santé mentale qui se dégrade de plus en plus : tout ce qui compte c’est Marilyn Monroe. La dualité Marilyn Monroe Norma Jeane, la folie et l’isolement sont les thèmes principaux du film. La rupture entre le réel et l’irréel se fait de plus en plus présente au fil de sa vie. Norma n’est heureuse que lorsqu’elle s’échappe de la créature Marilyn. Cette expérience cinématographique est dans les thèmes beaucoup inspirée des films de David Lynch comme Mulholland Drive (être une actrice à Hollywood) et Lost Highway (Folie, isolement) ou encore du film Répulsion de Roman Polanski.
Critique
L’excellente actrice cubaine Ana de Armas a joué dans Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, Mourir peut attendre, Cuban Network, War Dogs ou encore le très bon A couteaux tirés de Rian Johnson où elle tient le premier rôle. Blonde est pour moi jusqu’à présent une des ses meilleures performances, Ana de Armas est transcendée dans son rôle de Marilyn Monroe qu’elle incarne à la perfection. On sent le travail intense qui a été effectué en amont pour un tel rendu.
Blonde est extrêmement sombre et si violent psychologiquement qu’il m’a fallu un quelques minutes pour que je reprenne mes esprits. Il faut s’accrocher durant presque 3 heures et le fait d’avoir vu le film au cinéma a accentué mon sentiment de mal être. La musique anxiogène de Nick Cave et Warren Ellis nous plonge encore plus dans une ambiance cauchemardesque et apporte beaucoup au visuel du film. Les changements de format d’image et les transitions du noir et blanc à la couleur sont brillamment réalisés, brouillant un peu plus les pistes entre la caméra et la réalité, entre Norma Jeane et son double.
De plus, Blonde reprend beaucoup de codes de films d’horreur assez intéressants : feu et ambiance de chaos comme une entrée aux enfers de Norma Jeane à seulement 7 ans, la mère atteinte de maladie mentale qui maltraite sa fille, elle essaie même de la tuer dans une baignoire (une séquence difficile à regarder). On peut aussi relever les bouches déformées et ouvertes des fans de l’actrice prêts à la dévorer, le reflet de Marilyn dans le miroir qui se met à parler alors que Norma Jeane reste figée ou encore les regards caméra venant perturber l’espace-temps comme un appel à l’aide et en même temps une dénonciation envers le spectateur. Le réalisateur, vindicatif, dénonce l’implication que le spectateur a pu avoir au sujet de la dégradation de la santé mentale de l’actrice.
La quête éternelle d’une figure paternelle « daddy » est présente durant tout le film, la représentation enfantine de Marilyn Monroe est exagérée ce qui est parfois énervant. Cette quête est en partie ce qui tiendra Norma Jeane en vie et c’est aussi son rare lien avec la réalité. La volonté d’avoir un enfant la motive aussi à vivre sauf qu’elle a recours, contrainte à un avortement (filmé de l’intérieur) et la deuxième fois elle chute pendant qu’elle est enceinte : l’échec de donner la vie dans un corps maudit qui ne lui a jamais vraiment appartenu. Cependant lors de ces séquences, le choix de faire parler le fœtus m’a beaucoup perturbé, et après réflexion, je me suis posé la question si c’était une prise de partie politique radicale ou simplement une très grosse maladresse.
Le pari de déconstruire le biopic en misant sur la psychologie est audacieux mais aussi très risqué, ici, Andrew Dominik très inspiré des maîtres du genre David Lynch et Roman Polanski nous offre une mise en scène dans son ensemble assez scolaire et démonstrative. Les idées pourtant travaillées sont trop martelées et parfois prévisibles ce qui m’a agacé par moments. Je trouve dommage que malgré la plastique sublime, le tout manque de subtilité et d’un peu de poésie qu’on pourrait retrouver dans les films de Lynch. Pour moi, le film est trop long, on aurait pu se passer de certaines séquences redondantes ou très explicites et violentes (notamment la scène immonde avec le président Kennedy).
Conclusion
Blonde est un « anti biopic » pessimiste et très éprouvant émotionnellement que je ne regarderais pas une deuxième fois. Le film m’a beaucoup déçu, cela manque de répit et de subtilité dans la mise en scène malgré des reconstitutions et une bande son travaillée ainsi qu’une actrice au sommet de son art.
Yazbek Alexandre